mardi 19 mars 2013

Un debat en profondeur sur la loi sur le blanchiment d'argent et le finacement du Terroriste!


De l’utilité et de l’opportunité du projet de loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme


Il n’existe pas de société qui ne soit pas criminogène. En dépit des courants divers qui traversent la criminologie comme discipline scientifique de la famille des Sciences Sociales et Humaines, les criminologues sont unanimes à acquiescer à cette affirmation. La criminalité est donc inhérente à la société. Il y a une relation dialectique dans le sens classique du terme entre la société et la criminalité.  La société doit se donner les moyens qui puissent lui permettre de combattre la criminalité dans la mesure où celle-ci met en péril son existence alors que la criminalité elle-même doit s’adapter à  la dynamique sociale pour mieux exploiter ses faiblesses. La criminalité est un parasite dont l’existence est subordonnée à celle de la société. Cela traduit donc une dynamique permanente de conflit entre la société et la criminalité, entre l’Etat et les criminels.

 
Nécessité et utilité


Le blanchiment de capitaux (des avoirs) et le financement du terrorisme représentent aujourd’hui, parmi tant d’autres, les deux formes de criminalité qui menacent le plus la stabilité de la grande société occidentale à laquelle appartient la Première République Nègre du monde, Haïti, notre très chère patrie. En d’autres termes, nous ne sommes pas insensibles au danger que font planer le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sur la stabilité internationale. D’ailleurs, Haïti, Etat faible, selon la catégorie utilisée par André Corten, est de loin plus fragile que les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Canada, l’Angleterre, la Russie, la Chine, qui, eux-mêmes, disposent d’un appareillage organisationnel apte à leur permettre de défendre convenablement leurs concitoyens et leur territoire. Bref, il n’y a absolument pas de débat sur la nécessité et l’utilité d’un cadre légal approprié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Nous ne sommes pas en train de mettre en débat le bien-fondé de l’initiative du Sénateur Jocelerme Privert qui a eu l’intelligence de proposer au parlement haïtien, institution républicaine à laquelle nous sommes fiers d’appartenir, ce projet de loi (puisqu’il a été tout d’abord soumis par le Gouvernement) visant à doter la société haïtienne d’un instrument juridique indispensable à la lutte contre la criminalité financière organisée. La vision et les considérations qui caractérisent cette œuvre dépassent largement les frontières qui sont les nôtres. Evidemment, il convient de faire remarquer que nous ne sommes pas à notre coup d’essai dans le combat de la communauté internationale destiné à freiner la criminalité moderne menaçant la stabilité des Nations et la paix des peuples. D’ailleurs, la loi du 22 août 1912 portant sur l’extradition, les décrets du 4 février 1980 et du 26 octobre 1983 sanctionnant respectivement la convention pour la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale y compris les agents diplomatiques et celle pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, le décret du  26 octobre 1983 sanctionnant la convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, le décret du 18 octobre 1984 sanctionnant la convention internationale contre la prise d’otages, le décret du  4 septembre 1980 ratifiant la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988, le décret du 19 décembre 2000 portant ratification de la convention interaméricaine contre la corruption signée le 17 octobre 1997, la loi du 21 février 2001 relative au blanchiment des avoirs provenant du trafic illicite de la drogue et d’autres infractions graves, le décret du 16 février 2005 ratifiant la convention interaméricaine contre le terrorisme, adoptée le 3 juin 2002, le décret du 12 mars 2009 sur l’enlèvement, la séquestration et la prise d’otages de personnes, sont des éléments précis et raisonnables témoignant de  l’engagement de la République d’Haïti, membre fondateur des Nations Unies, aux côtés des Autres dans la lutte incessante pour la sauvegarde de la stabilité internationale. Ce projet de loi est conforme aux engagements pris par Haïti auprès des institutions financières internationales dont la mission consiste à mettre de l’ordre dans les finances de l’humanité.  Cela passe indiscutablement par la moralisation de la finance internationale. Il s’agit, à ce niveau, pour Haïti, de mettre le secteur économique et financier à l’abri de l’argent de provenance illicite. Les institutions économiques et financières, partenaires d’Haïti, reconnaissent que l’introduction de l’argent sale dans l’économie d’un pays représente une menace majeure pour la stabilité et la réputation de ses finances. De plus, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme peuvent contribuer à l’effondrement de l’Etat dans la mesure où leur présence ne fait que l’affaiblir et le discréditer, le déshonorant aux yeux de ses partenaires internationaux. Bref, une loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme répond à une nécessité patente pour l’Etat d’Haïti, considéré, à tort ou à raison, comme un mauvais élève à l’école des finances publiques.

 

L’opportunité

 

Le vote d’une loi est une décision politique dans toutes les sociétés humaines. En matière de décision, en règle générale, il y a, au moins, deux paramètres qu’il convient de considérer : la nécessité (le besoin) et l’opportunité (le momentum).  Comme nous l’avons déjà fait remarquer, il n’y a pas de réserve sur la nécessité d’un tel projet. Cependant, son opportunité reste et demeure la question fondamentale qui doit être débattue dans un débat national. Le parlement haïtien, institution représentative de la Nation Haïtienne, a la responsabilité historique et morale d’utiliser sa proximité avec le pays pour mieux alimenter les discussions à un moment où des secteurs clés de la vie nationale commencent à exprimer leur appréhension sur l’opportunité pour Haïti de se doter d’une loi de cette nature et de cette envergure. Le peuple haïtien continue de porter dans son âme révolutionnaire les cicatrices des nombreuses violations de la souveraineté nationale résultant d’un traité bilatéral relatif à la lutte contre le trafic de la drogue paraphé entre Haïti et le gouvernement américain. En exécution de ce traité, des Haïtiens, pour la plupart des parlementaires en fonction et grands fonctionnaires de l’Etat ont été arrêtés sur le sol dessalinien et transportés aux Etats-Unis en violation de la constitution consacrant le principe de l’inviolabilité du territoire dans son triple espace terrestre, aérien et maritime. Théoriquement, le droit international est un droit de coordination et de coopération. Cependant, dans la réalité, les relations entre les grands et les Autres sont caractérisées par le déséquilibre total.  Est-ce qu’aujourd’hui Haïti, pays occupé, peut être un partenaire à part entière pour les Nations Unies dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ? Est-ce que le vote d’une telle loi ne va pas ouvrir un autre champ encore plus propice à la manifestation de la domination des étrangers sur Haïti ?  Le lecteur avisé, même dépourvu de toute formation juridique et sans même approfondir l’examen du texte, découvrira que les vraies motivations de cette loi seraient, entre autres, le transfert de certaines prérogatives de justice au Pouvoir Exécutif et l’accélération de l’effacement de la souveraineté nationale. Les articles suivants, parmi tant d’autres, en témoignent: « Article 4.- Aux fins de la présente loi, on entend par : 1) Acte terroriste : […] iv) Toute acte destiné à provoquer le décès ou des blessures corporelles, psychologiques graves à une personne ou des personnes. […]. 5) Gel : l’interdiction de transférer, de convertir, de céder ou de déplacer des fonds ou autres titres ayant une valeur numéraire par suite d’une décision prise par autre autorité judiciaire ou par arrêté ministériel, pour une durée déterminée.  Les fonds ou autres titres gelés restent la propriété de la ou des personnes y détenant des intérêts, au moment du gel et peuvent continuer d’être administrés par l’institution financière. […] »  « Article 84.- Les personnes recherchées par un Etat étranger dans le cadre des infractions prévues dans la présente loi ou aux fins de faire exécuter une peine relative à de telles infractions peuvent faire l’objet d’extradition.  L’extradition est exécutée conformément aux procédures et aux principes prévus par les traités d’extradition en vigueur entre l’Etat requérant et la République d’Haïti, sous réserve des dispositions légales et des garanties constitutionnelles protégeant les droits des nationaux ». 

 

A notre avis, le parlement doit se garder de s’aventurer dans le vote de cette loi tant que ces zones d’ombre ne sont pas éclaircies à travers une vraie consultation nationale. Sur le terrain interne, il y a des mauvais présages confirmant la volonté de nos dirigeants de faire revenir le pays au temps des baïonnettes. L’arrestation du député Arnel Bélizaire, les tentatives de vassalisation du parlement, les attaques répétées contre la presse, la corruption et le gaspillage des fonds publics, la personnalisation du pouvoir politique, la distribution d’armes dans la perspective des élections, sont des éléments symptomatiques d’un retour programmé possible à l’ancien régime. Il y a lieu de se demander, enfin,  si cette loi, dans l’hypothèse où elle est votée, ne sera pas utilisée par le pouvoir en place pour tenter de réduire au silence celles et ceux qui se battent pour faire triompher les valeurs républicaines et démocratiques ?

 

Le gouvernement haïtien se dit déterminé à faire voter cette loi pour ne pas être en contravention avec la communauté internationale, en particulier avec les Etats-Unis d’Amérique.  Mais nous tenons à lui rappeler que dans bien de pays, aux Etats-Unis par exemple, on met la plupart des projets et propositions de loi en débat dans les universités et dans les médias avant leur examen et leur vote au parlement.  Pourquoi procéderions-nous différemment chez nous?

 

Pour toutes ces raisons d’opportunité, nous recommandons vivement et patriotiquement à nos collègues de la chambre des députés, de surseoir, quant à présent,  à l’examen de ce projet de loi malheureusement déjà voté et adopté par le Sénat de la République, en attendant que le débat national, indiqué en la circonstance, vienne clarifier les appréhensions légitimes et historiques des uns et des autres.  De toute manière, ce projet de loi ne passera pas tel qu’il est. Les Députés du groupe Parlementaires pour le Renforcement Institutionnel (PRI) et la plupart des membres du groupe Parlementaires pour la Stabilité et le Progrès (PSP) qui ont empêché, chacun à sa manière, qu’il fût adopté à la séance du 14 mars 2013, ne déméritent pas de la Nation.

 

Sadrac Dieudonné

Avocat, Député du peuple

Aucun commentaire:

La BID satisfait des travaux de la caravane du changement

Le Président de la Banque Interaméricaine de Développement (BID), Luis Alberto Moreno, est satisfait des projets en cours dans le se...