lundi 19 mars 2012

Un séisme. Destruction massive. Des vies et des biens écrabouillés. Nos yeux comme des lits de rivières asséchés. Nos glandes lacrymales faites lianes sauvages et sèches. Elles ne secrétaient plus que du sang devant l’innommable.

Un séisme. Destruction massive. Des vies et des biens écrabouillés. Nos yeux comme des lits de rivières asséchés. Nos glandes lacrymales faites lianes sauvages et sèches. Elles ne secrétaient plus que du sang devant l’innommable. Haïti était secouée et violentée jusque dans ses entrailles. En ce jour, elle était orpheline d’État. Du Palais national au siège de la primature, la République était aphone. Il ne restait que l’effarante cacophonie des cris et des plaintes anonymes. L’autorité publique en cavale, il était difficile de nous figurer l’avenir sous les décombres. La reconstruction envisagée avec autant d’angoisse que la destruction. Trop d’inconnues dans l’équation. Nous ignorions surtout qu’une loi scélérate dite d’urgence, votée par un Parlement aux ordres d’un certain Palais, allait être l’instrument d’une autre déconstruction. Celle des lois de la République.

Il y a eu la loi sur la prolongation des mandats des élus qui a mis hors jeu les échéances constitutionnelles. La page Préval est, malgré tout, tournée. En fait, d’une certaine façon. Un simple regard circulaire sur cet entourage présidentiel revu et rendu plus conforme aux exigences du « système » suffira pour établir que la continuité a eu raison de la rupture que Martelly se proposait d’incarner. Mais, au fond, c’est cette loi d’urgence qui aura eu le plus d’effets durables et délétères pour le pays. Elle a autorisé n’importe quoi. Sur les fosses communes où sont inhumées pêle-mêle les milliers de victimes du tremblement de terre, des millions de dollars de contrats signés dans le désordre légal et dans le flou éthique. Ce ne sont pas des saints qui nous gouvernent et qui nous ont toujours gouvernés. Autant dire que nul ne s’attendait que ce soient uniquement des irréprochables qui concluent et paraphent au nom d’Haïti des contrats alléchants à même de générer des gains mirobolants pour les professionnels des prébendes publiques. Ce qu’on espérait, au moins, c’est un minimum de retenue. Il s’est avéré que, dans l’empressement et dans un aveuglement indigne de hauts dirigeants ayant à cœur l’intérêt bien compris de leur pays, l’équipe Préval-Bellerive s’est rendue coupable de légèreté et de négligence dans la passation des marchés. Les contrats qu’ils ont autorisés sont entachés d’irrégularités inouïes.

Le rapport préliminaire d’audit commandité par le Premier ministre Garry Conille vient soulever le voile sur des pratiques plus que répréhensibles au sommet de l’État. Un rapport accablant qui nous montre des intouchables, en va-et-vient constant de l’ombre à la lumière du pouvoir, et qui ont abusé, voire profité de la loi d’urgence. C’est, à dessein, que la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif a été rendue inopérante avant, après et surtout pendant cette période troublante dite d’urgence. Une quarantaine de contrats de gré à gré conclus par le ministère de la Planification avec des firmes haïtiennes et dominicaines pour la plupart non qualifiées et inexpérimentées. Certaines seraient même fictives quand elles n’ont pas été fabriquées l’espace d’une nuit de complots ou d’un matin d’incivismes. Des deux côtés de la frontière, des Haïtiens et des Dominicains bien situés dans des réseaux d’influence se sont abreuvés de ces contrats juteux et irréguliers pendant qu’Haïti languissait encore dans les affres sans fin des traumatismes postséisme de tous ordres.

Le besoin de reconstruire vite ne devrait nullement servir d’excuse aux procédés administratifs et comptables déloyaux. Le jeu d’intrigues entre l’ex-Premier ministre Jean Max Bellerive et le Premier ministre sortant Garry Conille connaît un début de dénouement. D’aucuns diront qu’à travers ce rapport d’audit très défavorable à Bellerive, Conille a pu enfin se venger de l’un de ses puissants torpilleurs aujourd’hui tapis auPalais national. Cependant, au-delà des rivalités de clans et des gonflements de poitrines mal placés venant de reprochables comptables de deniers publics, la République aura gagné et grandi d’un cran à la faveur de cet audit. Nous savons, à présent, qui est qui et qui a fait quoi au nom d’Haïti et contre Haïti sous le régime de la loi d’urgence du 17 avril 2010. Il est raisonnable de présumer que ce rapport ne renversera pas des mondes et que « Ti Mari p ap monte ni desann » sous le présent soleil haïtien. Si un certain « Procès de la consolidation » a pu avoir lieu sur nos terres laxistes, peut-être qu’il n’est pas si stupide que cela de rêver, rationnellement, du procès de la reconstruction.

Ecrit par Daly Valet

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