Jean-Bertrand Aristide, né le
15 juillet 1953 à
Port-Salut, ville côtière du sud d'
Haïti, est un ancien prêtre
catholique et un ancien
président de la république d'
Haïti en
1991, puis de
1994 à
1996, et finalement de
2001 à
2004 avant son départ en exil le
29 février 2004 suite à un
coup d'État.
Jeunesse
Né dans une famille d'agriculteurs possédant leur terre
, Jean-Bertrand Aristide reçoit son éducation primaire chez les
Salésiens à
Port-au-Prince, puis son éducation secondaire au collège Notre-Dame de
Cap-Haitien avant d'entrer en 1974 au noviciat salésien de
La Vega en
République dominicaine. Il est de retour à
Port-au-Prince l'année suivante, où il suit une
classe de philosophie au grand séminaire Notre-Dame. En 1979 il obtient une licence de psychologie à l'
Université d'État d'Haïti. Il est
ordonné prêtre le 3 juillet 1982
[2].
Inscrivant sa démarche dans la
théologie de la libération
qui met l'accent sur la justice sociale, il devient l'un des
représentants les plus visibles d'un mouvement de communautés
ecclésiales de base appelé
Ti Kominotés Légliz (TKL)[3].
Le 11 août 1988, il réchappe du massacre de l'église Saint-Jean-Bosco dont il a la charge, causé probablement par d'anciens
macoutes, au terme duquel on décompte au moins 13 morts et environ 80 blessés
[4].
Premier mandat présidentiel
En raison de sa personnalité charismatique, Jean-Bertrand Aristide
est choisi comme candidat pour l'élection présidentielle de 1990 par le
Front national pour le changement et la démocratie (FNCD), qui regroupe 15 organisations de centre-gauche, bien que
Victor Benoît, leader du
KONAKOM ait un temps été pressenti
[5].
Les mesures qu'il propose dans son programme électoral consistent à
soutenir l'industrie et l'agriculture, à viser l'autosuffisance
alimentaire par une réforme agraire, à lutter contre la contrebande dans
les ports, à réorganiser l'administration et à augmenter le salaire
minimum
[6].
Le 16 décembre 1990, il remporte l'élection présidentielle, dont la régularité est contrôlée par des observateurs de l'
OEA, avec 67,48 % des voix, contre le candidat de centre-droit
Marc Bazin, ancien fonctionnaire de la
banque mondiale
qui avait les faveurs des États-Unis. Il est investi le 7 février 1991.
Une conférence internationale réunie en juillet de cette même année
promet à Haïti un financement de 400 millions de dollars
[7],[8].
Aristide est victime d'un coup d'État le 30 septembre 1991, marquant
le rejet du nouveau président par l'armée et par les élites économiques
traditionnelles. Il est contraint à l'exil tandis que le commandant en
chef de l'Armée, le
lieutenant général Raoul Cédras prend le pouvoir
[7].
Les États-Unis, dirigés par le président
George H. W. Bush,
prennent immédiatement des sanctions financières et commerciales contre
Haïti en exigeant le retour de la démocratie. Ils sont suivis le 8
octobre 1991 par l'
OEA[9]. Paralysé dans un premier temps par l'opposition de la
Chine, le
Conseil de sécurité de l'ONU décide d'un embargo contre Haïti en juin 1993
[10]. L'effet de ces sanctions, qui dureront trois ans, sur les conditions de vie de la population haïtienne est « tragique »
[11].
Aristide est reçu à la
Maison Blanche par George H. W. Bush le 4 octobre 1991
[12]. En contraste avec les soutiens clairs du premier ministre canadien
Brian Mulroney et du président vénézuelien
Carlos Andrés Pérez,
l'attitude des États-Unis, qui a surtout pour objectif de dissuader
d'autres coups d'État militaires ailleurs en Amérique latine, restera
ambiguë vis-à-vis d'Aristide, comme le reconnaîtra
James Baker[13].
La misère est à l'origine de vagues de
boat people haïtiens qui cherchent à immigrer aux États-Unis. L'
US Coast Guard renvoie 538 Haïtiens dans leur pays le 15 novembre 1991. Le
Kennebunkport Order
qui prévoit de renvoyer systématiquement les boat people à Haïti, signé
par George H. W. Bush en mai 1992, est contesté par le candidat
Bill Clinton[14].
Sous la pression internationale, Aristide et Cédras négocient puis signent en juillet 1993 l'accord de
Governors Island, prévoyant une transition politique et le retour d'Aristide en octobre de la même année
[15], mais il aboutit à un échec, lorsque le 13 octobre, le gouvernement américain,
déjà en difficulté en Somalie, fait faire demi-tour au navire
USS Harlan County, transportant 200 militaires américains et canadiens, auquel une foule en colère interdisait le débarquement à
Port-au-Prince[16]. Dans ce climat, aggravé par l'assassinat de
Guy Malary, le
Conseil de Sécurité de l'ONU décrète, par la résolution 875 du 16 octobre 1993, un
blocus naval d'Haïti
[17],[18].
Durant l'année 1994, aiguillonnée par le problème des boat people haïtiens refoulés sur la
base américaine de Guantanamo dont le nombre s'accroit jusqu'à 14 000 au mois d'août
[19],
par Jean-Bertrand Aristide qui remet en question le traité autorisant
ce traitement des réfugiés, interpellée par des forces politiques comme
le
Caucus noir du Congrès, ou par la grève de la faim de
Randall Robinson
en avril, et faisant face à l'inefficacité des sanctions économiques,
l'administration Clinton étudie et négocie avec la communauté
internationale les conditions d'une action militaire à Haïti. On aboutit
ainsi le 31 juillet à la résolution 940 du conseil de sécurité qui
autorise une force multinationale à intervenir militairement
[20],[21].
Le 16 septembre,
Jimmy Carter,
Colin Powell et
Sam Nunn sont envoyés à Haïti pour proposer aux membres de la junte de quitter le pays. Le 18 septembre,
Raoul Cédras accepte, ce qui aboutira à son départ pour le
Panama le 13 octobre
[22]. La force multinationale, composée d'Américains et de soldats de 19 autres pays, connue sous le nom de code américain
Operation Uphold Democracy, débarque à Haïti à partir du 19 septembre. À part un combat qui fait 10 morts haïtiens à
Cap-Haitien, le déploiement se fait sans résistance. Aristide rentre au pays le 15 octobre
[23].
En avril 1995, le président Aristide dissout l'armée. Ce n'est pas un
cas exceptionnel dans la région puisque des pays tels que le
Costa Rica, la
Dominique,
Grenade et le
Panama sont également dépourvus d'armée
[24].
En octobre 1995, sensible aux manifestations d'étudiants qui
s'opposent à la multiplication par dix des frais d'inscription à
l'université, et aux inquiétudes des employés des entreprises publiques (
EDH,
Ciments d'Haïti,
Minoterie nationale,
Teleco,
APN) dont les emplois sont remis en question, Aristide désavoue le
premier ministre Smarck Michel
sur la politique de privatisation menée conformément aux exigences d'un
groupe de créanciers internationaux basés à Washington tels que la
Banque mondiale, le
FMI et
US Aid. Smarck Michel démissionne. Les institutions internationales refusent à Haïti les prêts prévus. Aristide nomme
Claudette Werleigh au poste de premier ministre
[25],[26].
Fin novembre, alors que la campagne des élections présidentielles
commence, le gouvernement américain insiste pour que Jean-Bertrand
Aristide respecte la
Constitution d'Haïti de 1987
qui lui interdit d'exercer deux mandats consécutifs. Aristide accepte
et, deux jours avant le vote du 17 décembre 1995, annonce son soutien à
la candidature de
René Préval[27].
1996-2000
En janvier
1997, Jean-Bertrand Aristide fait enregistrer un nouveau parti politique, la
Fanmi lavalas, distinct de l'
Organisation politique lavalas
(OPL) qui soutient René Préval, et présente des candidats sous cette
nouvelle étiquette aux élections du 6 avril 1997. À la suite de
désaccords entre l'OPL, Fanmi Lavalas, et la commission électorale, René
Préval annule l'organisation du second tour, qui était prévu en juin
[28].
Deuxième mandat présidentiel
En décembre
2000,
Jean-Bertrand Aristide est élu président de la République par 93% des
voix, mais avec seulement 5% de participation : le peuple haïtien est
peu enclin à participer à la démocratie depuis les fraudes électorales
survenues lors des élections législatives quelques mois auparavant
[29].
En
2003, une rébellion débute à la suite de l'assassinat près de
Gonaïves d'un chef rebelle,
Amiot Métayer, par le pouvoir. Puis, elle gagne du terrain et une opposition armée dirigée par
Buteur Métayer, le propre frère d’Amiot, se regroupe dans un
Front pour la Libération et la Reconstruction Nationales.
Le 29 février 2004, le président Aristide quitta Haïti à bord d'un
avion américain, accompagné par le personnel de sécurité de l'armée
américaine. La controverse demeure quant à l'étendue de l'implication
des
États-Unis dans le départ d'Aristide et si oui ou non le départ était volontaire. Aristide compare son départ à un enlèvement.
Ce départ induit l'installation d'un nouveau pouvoir par
l'intermédiaire des Américains et cause la fin prématurée du deuxième
mandat du Président Jean-Bertrand Aristide
[30]. C'est le président de la Cour suprême,
Boniface Alexandre, qui assume alors les fonctions du Président de l'État.
Prix et médailles